Archives de l’auteur : AdminVSV

De l’audit à la réalité

Prenez un joli pavillon palois des années 30 classé « édifice intéressant » mais aussi classé « G » en étiquette énergétique, soit la pire note.

Rajoutez une bonne vieille chaudière gaz et une hausse du prix de l’énergie.

Complétez le tout avec des propriétaires inquiets de l’état de la planète avant l’état de leur portefeuille et prêts à améliorer leur habitat.

Et vous obtenez les ingrédients parfaits pour la réalisation d’une rénovation globale !

Mais pour faire les bons choix de travaux, il faut deux ingrédients supplémentaires : un audit énergétique et un professionnel capable de le nuancer.

J’ai eu la chance d’assister à la restitution de l’audit que Bertrand Ottmer, architecte passionné de confort et de sobriété, basé à Pau, a réalisé pour Pascal, son client.

L’exercice n’a pas consisté seulement à expliquer à Pascal ce que l’audit dit de sa maison et de ce qu’il devrait y faire pour l’améliorer – sur le papier le logiciel énergétique a tendance à promettre monts et merveilles – mais à interpréter au mieux les données de l’audit pour faire les bons choix de travaux.

Faut-il isoler toute l’enveloppe de la maison ou uniquement les parois les plus exposées aux déperditions ?

Faut-il à tout prix se baser sur les quelques jours de l’année où la température passe en dessous de 0°C pour choisir son système de chauffage ?

Quelles aides et quels professionnels solliciter en fonction des travaux envisagés ?

Seul face à l’audit, Pascal serait noyé dans un océan de questions techniques et financières.

Avec l’interprétation pédagogique de Bertrand, Pascal y voit plus clair, commence à imaginer sa maison rénovée et le confort douillet qu’elle pourrait lui procurer.

Je comprends alors que j’assiste à quelque chose qu’aucun logiciel ou intelligence artificielle ne peut remplacer : Bertrand a aidé Pascal à passer de l’audit à la réalité.

Et en attendant que Pascal se lance dans les grands travaux, nous l’avons aidé à faire un écogeste préconisé dans l’audit : baisser la température du ballon d’eau chaude à proximité des 60 degrés qui évitent la surconsommation des 70 degrés « sortie d’usine ». Une action simple sur le papier et autrement plus complexe à réaliser :

– couper l’alimentation électrique du ballon,

– dévisser le capot inférieur,

– trouver le thermostat (constater que le fabricant semble avoir tout fait pour le rendre inaccessible…) et le baisser,

– remonter le tout en faisant attention de ne pas abimer capteurs et autres fils à nu.

Pas si simple, mais un geste de sobriété comme l’on devrait pourtant tous en faire avant de parler de rénovation énergétique !

NB : il existait jusqu’à maintenant deux types d’audits énergétiques : le règlementaire et l’incitatif, mais ils fusionnent au 1er avril, plus précisément l’incitatif disparaît au profit du réglementaire. Voir l’arrêté : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048107749

Compte-rendu dessiné de la soirée « Matériaux biosourcés » des AIOLI par Benoit Guillaume

La soirée des Agents Immobiliers Ouvertement Ludiques et Informatifs, les AIOLI, du 17 janvier au Café conception (Marseille) était consacrée aux matériaux biosourcés qui bataillent pour se faire une place face à l’hégémonie des matériaux à bases minérales et pétrolière. Les intervenant.e.s étaient : Meriem Bouaziz et Sabah Rouibah, Professeures du Lycée Diderot, Alice Mortamet, architecte constructrice, et Emmanuel Stern, anthropologue constructeur, et Jean-François Doucet, vendeur de matériaux écologiques (société Ma Terre Bio). Benoît Guillaume, illustrateur*, en a fait un compte-rendu dessiné que voici :

Le site de Benoît Guillaume : https://benoitguillaume.org

Un Regain de vie au cœur du Luberon

Situé sur le versant nord du grand Luberon, le domaine de Regain, cette ancienne ferme semi-troglodyte qui fut une fameuse auberge de jeunesse au XXe siècle, est réhabilitée pas à pas avec une sensibilité écologique par deux nouveaux amoureux du territoire pour en faire à la fois leur habitation, un lieu d’accueil et d’hébergement, et un lieu ouvert vers l’extérieur. 

Un domaine en triptyque, voici comment on pourrait définir le domaine de Regain, situé sur la Commune de Saignon, au-dessus d’Apt, sur ce Plateau des Claparèdes qui alterne chênaies et champs de lavandes au pied d’une imposante masse feuillue, le grand Luberon.

Un domaine en triptyque du fait de la topographie des lieux, car le site de 14 hectares est traversé par un cours d’eau, l’Aigue-Brun, qui, au fil du temps, a creusé son vallon entre les masses rocheuses affleurant par endroit parmi le couvert végétal. Un pan de plateau au nord, le vallon et un deuxième pan de plateau au sud.

On arrive sur le Domaine par le pan nord, où des ânes assurent nonchalamment le débroussaillage. On cherche le bâti principal en cherchant ses habitants et ce faisant on marche inexorablement vers le vallon, car c’est dans la pente de celui-ci que se dresse cette ancienne ferme, face au sud pour capter la chaleur du soleil en hiver, mais contre des rochers, et même par endroit dans les rochers, pour bénéficier de leur fraîcheur en été.

Pourquoi avoir construit cette ferme il y a près de 4 siècles sur un site si accidenté ? Pour l’eau bien sûr ! L’or bleu. Car si elle traverse le site de manière intermittente dans le vallon, l’Aigue-brun n’existant que quand il a plu abondamment sur le plateau, elle coule de manière permanente par différentes sources dont la localisation de certaines relève du secret.

C’est le site qu’ont choisi François et Claude Morénas au milieu du XXe siècle pour fonder une auberge de jeunesse qui durant plus de 40 ans et jusqu’au tout début des années 2000 accueilli nombre de jeunes voyageurs venus de toute l’Europe. Ceux-ci y trouvèrent, outre un gîte, un lieu dédié notamment au cinéma et à la randonnée, avec des projections en plein air et dans une salle dédiée et plus de 900 km de sentiers créés par François Morénas et dont certains subsistent et côtoient le GR 92 ‘’traversée du Grand Luberon’’ qui longe le Domaine.

Ce sont les Morénas qui donnèrent le nom de Regain au Domaine, en référence au roman de Giono, qu’ils avaient rencontré. Tandis qu’ils n’ont plus l’âge et la force pour l’habiter, André Richardson, déjà voisin du site, pris d’affection pour le lieu et ses habitants, le rachète en 2005 et l’entretient avant de le vendre en 2020 à Olivier Landrin et Didier Michel.

A ce moment-là Olivier est architecte, Didier est directeur du réseau national de culture scientifique. Tous deux vivent ensemble à Paris et sont mûrs pour changer de vie et, ce qui va de pair, de territoire. Il ne s’agit donc pas pour eux d’acheter une maison secondaire et de l’occuper de temps à autres comme lieu de décompression de leur vie parisienne, mais de vivre dans un lieu, et de faire vivre ce lieu, toute l’année.

Regain les attend.

Regain les séduit et leur fait peur tout autant.

Il y a de quoi. Car Regain demande de l’attention, des travaux, et beaucoup d’énergie. Olivier et Didier en ont et le Luberon et les environs finiront de les séduire. 

Comment rénover et habiter une ancienne ferme devenue auberge, en préservant les qualités du bâti tout en l’améliorant pour le rendre plus confortable et l’adapter à son nouvel usage ?  

Comment mener cette rénovation de la manière la plus écologique possible ?

Comment gérer les différents espaces boisés ou de prairie qui composent le site ?

Ce sont les différents défis que mènent pas à pas Olivier et Didier depuis 2020.

Le corps de ferme se voit au fur et mesure doté d’une organisation plus fonctionnelle, de pièces plus vastes et captant mieux la lumière naturelle.

Elle se prépare par ailleurs à un recevoir un chauffage au bois en lieu et place de l’actuel chauffage au fioul, des panneaux solaires pour l’autonomie électrique du site, et une isolation en chaux-chanvre, parfaitement adaptée aux maçonneries anciennes.

Pour la gestion des 14 hectares d’espaces extérieurs, une approche écologique est aussi privilégiée.

Les ânes ne sont pas les seuls à tondre les prairies, une dizaine de chèvres et deux moutons contribuent aussi au débroussaillage du site. Pas de désherbage mécanique et encore moins chimique. Et pour l’espace non boisé du pan sud du plateau du Domaine, Olivier et Didier ont opté pour la plantation de 200 pistachiers, un arbre peu gourmand en eau.

Tout cela a évidemment un coût, et pour participer à ce coût et permettre aussi à des voyageurs de profiter de ce lieu exceptionnel, Olivier et Didier ont créé un gîte* sur la partie haute du corps de ferme*, et puis une chambre dans un cabanon de berger en pierres.

Et à terme le site pourra accueillir des groupes pour des séminaires, des mariages, et autres festivités, voire également des évènements culturels.

Je vous souhaite donc chers lecteurs et lectrices d’avoir l’occasion de découvrir le Domaine de Regain et de découvrir son caractère unique et l’harmonie qui y règne.

Harmonie entre plateaux et vallon, entre pierre et végétation, entre ciel et terre, entre hommes et bêtes, au cœur du Luberon.

Je vous souhaite aussi d’y rencontrer Olivier et Didier et leur énergie, et de voir comment ils apportent ce Regain de vie.

Floris VAN LIDTH  

* le site du gîte : http://www.domainederegain.fr/

NB : j’ai souhaité écrire cet article car j’ai découvert le Domaine de Regain en ayant coordonné sa vente avec Airescoop et ma casquette d’agent immobilier. Le caractère exceptionnel du lieu, son histoire et le projet d’Olivier et Didier m’ont donné envie de mettre ce coup de projecteur.

Solstress d’été

Le logo de Vue sur Vert change parfois aux solstices et aux équinoxes selon une demande que j’avais faite à Manu Perrin-Houdon*, graphiste au sein du collectif des Poulets Bicyclettes, et concepteur du logo, et qui en a donc réalisé 4 versions différentes, selon les 4 saisons.

Mais cette année, au moment de passer du printemps à l’été et de modifier le logo dans ma signature mail et sur mon site, je m’aperçois que je le fais cette fois-ci avec une sorte de stress et de sentiment de décalage entre cette mini-action numérique et le réel.  

C’est que l’été est désormais la saison symbole du burn out climatique, celle qui pointe le plus chaudement le dérèglement du climat.

Et je l’aborde en me demandant ce qu’il nous réserve.

Jusqu’où monteront les thermomètres ? Est-ce que des incendies géants viendront ravager les massifs forestiers du sud de la France et d’ailleurs ? Assistera-t-on à des chutes d’oiseaux déshydratés en plein vol comme au mois de mai en Inde ou au Pakistan ? Et surtout le plus important : ma glace risque-t-elle de fondre intégralement entre le moment où le glacier me la tendra de sa camionnette rose et le moment où je la porterai à ma bouche ? 

Kristy Dahl, scientifique américaine spécialiste du climat, propose tout simplement de remplacer « été » par « saison des dangers », tant celle-ci est de plus en plus synonyme de périls divers et variés. Voir : www.wired.com/story/some-scientists-have-a-new-name-for-summer-danger-season/

Il va donc peut-être falloir que je demande à Manu une version cramoisie du logo, avec quelques pauvres herbes séchées, deux-trois oiseaux tombés du ciel et un gros soleil de plomb. Quant à Vue sur Vert, autant préparer une dénomination plus adaptée, du type Vue sur Désert.

Un trait grossi par excès de pessimisme ? Réalistement ça sent le roussi au sens propre et figuré. Il s’agit de regarder cette réalité en face tout en continuant à agir, à toute échelle, et en continuant à s’accorder des plaisirs terrestres, si possible éco-responsables, et s’accorder ainsi le droit d’oublier un temps les tourments planétaires.  

Tourments planétaires ou tourments humains ? A long terme, l’écosystème planétaire se remettra sûrement de notre tendance à la prédation des ressources naturelles et de tout ce qui peut se transformer en cash. Il recréera la biodiversité qui a mis des millions d’années à se développer et que, en ne considérant par exemple que les vertébrés, nous avons exterminé aux deux-tiers en 50 ans.

Mais nous, les joyeux exterminateurs, serons-nous capables d’y rester encore dans des conditions de vie correctes à la fois pour nous et pour le reste du règne vivant, et de nous accorder cette durabilité que nous avons appelée de nos vœux avant de la transformer en terme publicitaire ? Il nous faut pour cela déprogrammer urgemment notre logiciel capitaliste et sa croissance à tout prix et le remplacer par le paradigme d’une civilisation réellement écologique. Vœu pieux exprimé déjà des milliers de fois par des milliers de voix sur de vaines tribunes ou sur les réseaux sociaux du fond de nos vieux pieux.

Mais chiche on y arrive ! Chiche on inverse les courbes ascendantes de la température et descente de la biodiversité ! Chiche on rend autant qu’on prend !

Le simple fait de l’écrire m’aide au moins à atténuer mon stress du solstice, mon solstress d’été.

Et puis tiens, ce matin, tandis que je conclus ce billet d’humeur, il pleut sur Marseille.

Une trêve de fraîcheur !

Trêve de plaisanterie, non vraiment, y a plus de saison !

Floris VAN LIDTH

* Je dédicace mon texte à Manu qui part de Marseille avec sa famille après un paquet d’années ici à construire sa vie dans cette ville si attachiante et à œuvrer avec son coup de crayon et de souris pour sublimer la communication de nombreuses associations, collectivités et petites entreprises. Il part vers des contrées plus fraîches et plus vertes. Bon vent frais Manu ! 

Après l’envoi de cet article sur les réseaux sociaux, Manu a produit en réponse ce gif très à propos :

Le repas de fin chantier, célébration collective d’un aboutissement

Le 24 mai avait lieu un moment à part dans la vie d’un chantier à part, celui de l’extension réhabilitation de la bastide Le Manier, un lieu dans le 12e arrondissement de Marseille dont a hérité l’association les Petits frères des pauvres, et destiné à accueillir des personnes âgées isolées.

Pour célébrer les nombreux mois passés à concevoir ce projet à forte teneur en écoconstruction (extension bois et écorénovation, projet reconnu Bâtiment Durable Méditerranéen Or) et à le réaliser étape par étape, corps de métier par corps de métier, un repas de chantier a réuni toutes les parties prenantes : la maîtrise d’ouvrage (direction de l’immobilier et bénévoles de l’association), le Conseil régional co-financeur du projet, la maîtrise d’œuvre : l’Agence Solari & Associés, le bureau d’études thermiques et fluides Athermia, le bureau d’étude structure Calder Ingénierie et le bureau d’étude cuisine ECCI, et les entreprises : Figuière construction, Martin charpente, Eco-clim, Serti, Serfran, Next bâtiment, Etphobat, HV Création, Sodimatco, NBMA, Algaflex et Menuiserie de la Tour. Une longue liste qui est à l’image de la complexité d’un tel chantier. 

Et lorsqu’autour des chawarmas, des bières et des desserts, on entend les ouvriers raconter leurs exploits et leurs galères et l’architecte Jérôme Solari remercier les entreprises « Parce qu’elles font un boulot très difficile », tout en témoignant que celui de la maîtrise d’œuvre « n’est pas si simple non plus », on se rappelle qu’un chantier c’est une grande aventure collective, ponctuée de hauts et de bas, de sueur et de sourires, et dont il est bon de se réjouir ensemble de l’aboutissement.